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Reine Mathilde : le drame de sa grand-mère ravivé

Née princesse de Lituanie, Zofia Sapieha a connu un destin mouvementé et tragique. La Reine a retrouvé avec émotion les racines de sa famille maternelle.

Journaliste Temps de lecture: 4 min

En ce deuxième jour de visite d’État en Lituanie, le couple royal belge a plus que jamais baigné dans l’histoire du pays, qui se mêle étroitement avec celle de la famille maternelle de la Reine. Car les racines de Mathilde sont aussi lituaniennes que polonaises. Ces circonstances auront aussi ravivé le drame qui toucha la famille de plein fouet il y a vingt-cinq ans déjà.

Pour rappel, la maman de la reine Mathilde, Anne Komorowska est une comtesse d’origine polonaise. Sa propre mère, Zofia Komorowska, est née princesse Sapieha, du nom d’une des « nobles familles » de magnats les plus influentes de Lituanie au XVIe siècle. Des magnats, ce sont des grands propriétaires terriens, possédant villes et villages et des revenus considérables et influençant par leur toute puissance l’économie et la politique du pays (lire plus loin).

Depuis la fin du XVIIIe siècle, le berceau de la famille est situé à Krasiczyn en Pologne. Zofia Sapieha est, elle, née en 1919, près de Bobrek en Pologne, non loin d’Auschwitz. En 1939, lorsque les Allemands envahissent la Pologne, ils font évacuer les populations voisinant le camp pour éviter qu’on apprenne ce qu’ils se préparent à commettre là-bas. La famille Sapieha s’installe alors à Varsovie. En 1942, Zofia épouse le comte Léon Komorowski (qui est donc le grand-père de la Reine).

Zofia Sapieha
Zofia Sapieha - DR

En 1945, ils se fixent en Poméranie, région occidentale de la Pologne actuelle qui appartenait à l’Allemagne avant la guerre. Léon travaille comme inspecteur dans une laiterie. Le couple a six enfants, dont Anne, la maman de Mathilde, qui naît en 1946 à Bialogard. En 1949, la famille est chassée de Poméranie vers la région de Cracovie, car Léon refuse de collaborer avec les polices secrètes polonaise et russe qui l’interrogent au sujet d’un cousin éloigné, un certain Tadeusz « Bór » Komorowski, général et homme politique polonais, l’un des leaders de l’insurrection de Varsovie qui a eu lieu du mois d’août au mois d’octobre 1944. Il s’agit de la Résistance polonaise qui s’est rebellée contre l’occupant allemand. Recherché, Bór va connaître l’exil à Londres entre 1947 et 1966. À Cracovie, Léon est encore inquiété à plusieurs reprises et même arrêté. La famille vit dans un certain dénuement, partageant un logement avec d’autres personnes. En 1957, les Komorowski décident de fuir à destination de notre Royaume et demandent pour cela un visa à l’ambassade de Belgique, laquelle délivre le précieux sésame sur intervention discrète de la reine Elisabeth. La famille prend des billets aller-retour pour ne pas attirer la méfiance des autorités. Arrivés en Belgique, les Komorowski ne retournent évidemment pas dans leur pays mais restent trois semaines, le temps d’effectuer tous les vaccins, avant de partir pour le Congo où le père de Léon était déjà installé (dans l’est) et actif dans la production de thé. L’Indépendance de notre ancienne colonie en 1960 contraint la famille à, une nouvelle fois, quitter le pays. Ce sera en plusieurs vagues : en 1960 - 3 enfants, en 1961 - 3 autres enfants, et enfin en 1962 Léon Komorowski lui-même.

C’est donc sous nos latitudes que le comte Komorowski décède en 1992 à l’âge de 85 ans. Son épouse se révèle une formidable grand-mère pour les enfants d’Anne, à savoir Mathilde (née en 1973), Marie-Alix (1974), Elisabeth (1977), Hélène (1979) et Charles-Henri (1985). Hélas en 1997, c’est la tragédie, Zofia Sapieha et sa petite-fille Marie-Alix décèdent dans un accident de voiture à Herstal. Après une vie mouvementée digne d’un grand roman, la comtesse qui est née princesse mais bien loin des contes de fées meurt tragiquement à l’âge de 77 ans. Quant à la pauvre Marie-Alix, elle n’avait pas encore 23 ans. C’était elle qui avait présenté le prince Philippe à sa sœur Mathilde… La famille sera anéantie de chagrin et, dans ce malheur, Philippe se révélera un ami omniprésent et secourable. Mathilde ne l’oubliera jamais.

Zofia et Marie-Alix décèdent dans un accident de voiture en 1997.
Zofia et Marie-Alix décèdent dans un accident de voiture en 1997. - Photonews

Pour en savoir plus sur les origines lituaniennes de la famille

Zofia descend d’Iwan Semenowicz (XVe siècle), qui crée la branche des Sapieha-Kodenski. Le fils de ce dernier, Lew Zapieha, sera le personnage illustre de la famille. Il devient grand chancelier de Lituanie. C’est-à-dire qu’il gouverne le pays au nom du roi à l’époque de la République des Deux Nations. Cette fédération avant la lettre est créée au XVIe siècle de l’union du royaume de Pologne et du grand-duché de Lituanie. Les deux pays ont un monarque commun, élu à vie par une Diète commune, et ils conservent un statut égal (le grand-duché conserve donc ses propres institutions : trésor, armée, dignités (chancelier, etc.), indépendantes de celles du royaume de Pologne.

Lew Sapieha
Lew Sapieha - DR

Son fils Kazimierz Lew Sapieha lègue, quant à lui, sa bibliothèque de 3.000 livres à l’université de Vilnius qui en possède encore près de 300 volumes. Ce mardi 25 octobre, le couple royal s’est rendu sur place où il a pu examiner de précieux ouvrages réalisés par l’historien lituanien Joachim Lelewel notamment sur la Belgique. Le couple royal s’est aussi rendu en l’église Saint-Michel Archange de Vilnius qui abrite la nécropole des Sapieha dont les illustres personnages susnommés. Le tombeau de Lew Sapieha demeure à ce jour la plus grande œuvre d’art de ce genre de toute la Lituanie.

Le Roi et la Reine devant le tombeau de Lew Sapieha à Vilnius
Le Roi et la Reine devant le tombeau de Lew Sapieha à Vilnius - BelgaImage

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