Les femmes les plus sanguinaires de l’Histoire (13): Imelda Marcos a pillé les Philippines

Bien qu’issue d’une des familles importantes de Manille, Imelda Romuáldez, née en 1929, grandit dans une pauvreté familière à beaucoup d’enfants philippins d’hier et d’aujourd’hui. Lorsque sa mère, Remedios Trinidad, rencontre son père, l’avocat Vincente Orestes Romuáldez, elle se voit confier la responsabilité de cinq enfants issus d’un précédent mariage. Vivant dans un garage situé dans l’ombre du palais de Malacañan à Manille, la jeune Imelda court dans les rues à pieds nus et s’occupe de ses jeunes frères et sœurs. Lorsqu’Imelda a 10 ans, Romuáldez décide d’échapper aux coûts de la vie en ville et déménage avec sa famille dans la province de Leyte. Imelda passe son adolescence dans la ville de Tacloban et fait de bonnes études. Mais sa beauté reste son atout principal. Elle participe à plusieurs concours de beauté. En 1954, Ferdinand Marcos, un superbe et jeune député, rencontre la magnifique Imelda et, captivé par son style et son charme, la demande en mariage moins d’une demi-heure plus tard. Le couple impulsif se marie 11 jours après. Ils pensent tous les deux que le ciel les a réunis. Imelda est la muse parfaite pour les ambitions politiques de Ferdinand. Onze ans plus tard, lorsque Ferdinand se présente à l’élection présidentielle, elle part en campagne en son nom, voyage d’un bout à l’autre du pays et lui fait gagner un million de votes. En 1965, Ferdinand devient président de la République des Philippines et Imelda, sa Première dame, se délecte d’être devenue la reine du palais qu’elle avait regardé avec tant d’émerveillement lorsqu’elle était petite. Ils ressemblent à un couple issu d’un conte de fées. Imelda se révèle être une ambassadrice accomplie pour son pays, et est rapidement appelée, dans la presse, « la Jacqueline Kennedy des Philippines ». [scald=29670822:sdl_editor_representation] Une « dictature conjugale » La confiance et le pouvoir d’Imelda ne cessent de grandir au fil des années. Elle passe son temps à acheter des compagnies aériennes, à organiser des banquets somptueux, à se parer de bijoux et de vêtements magnifiques et à voyager à travers le monde. Lorsqu’elle découvre que son mari la trompe, elle montre qu’elle a retenu les leçons des hommes politiques internationaux, capables de retourner une situation à leur avantage. Au lieu d’endosser le rôle de l’épouse trahie, Imelda se présente comme une possible remplaçante à son mari en disgrâce. Mais en 1972, Ferdinand Marcos impose la loi martiale en prétendant un risque d’infiltration communiste. Cette manœuvre lui permet surtout de sauver son poste. La démocratie est soudainement virtuellement abolie et une loi « anti-subversion » est introduite. Des dissidents sont emprisonnés pour plusieurs années, simplement parce qu’ils remettent en question les « objectifs » du gouvernement. Des rumeurs font état de torture et de meurtres politiques. Dans l’esprit du peuple, Imelda est autant responsable que son mari, on les surnomme la « dictature conjugale ». Durant les premières années de la loi martiale, Imelda est une membre active du cabinet de crise. Obsédée par la création de « beaux » bâtiments, elle ordonne la construction de théâtres, d’hôtels de luxe… dans les quartiers pauvres de Manille pour « améliorer » la vie des pauvres en leur offrant de belles choses à regarder. Un monde de strass et de paillettes En visitant les plus grandes villes du monde, Imelda n’a plus qu’une envie : rivaliser avec les niveaux d’extravagance et de raffinement rencontrés. Ses actes ne sont plus motivés que par l’avidité et, avec la complicité de son mari, elle détourne des millions de dollars du gouvernement sur des comptes bancaires privés en Suisse. Les coffres de l’État étaient considérés comme « la tirelire des Marcos », et Ferdinand et Imelda deviennent l’un des couples les plus riches au monde. Elle part faire des virées shopping à New York, Rome et Copenhague et dépense des millions de dollars pour sa collection personnelle, acquérant des œuvres de grands maîtres tels que Michel-Ange ou encore Botticelli ! Imelda adore aussi les bijoux et, vers la fin des années 1970, elle est l’une des plus grandes acheteuses privées de pierres précieuses. Durant les années 1980, la fortune des Marcos devient digne d’une légende. Imelda fait officiellement partie des dix femmes les plus riches du monde. On prétend qu’entre 1981 et 1983, elle a investi dans l’immobilier new-yorkais une somme prodigieuse de 140 millions de dollars. Le pouvoir au peuple En parallèle à l’augmentation de la fortune des Marcos, les Philippines s’enfoncent dans la crise, tant financière que sociale ou politique. Les opposants aux Marcos s’unissent et se présentent aux élections. Au mois de décembre 1985, l’opposition remporte les élections mais Ferdinand refuse les résultats et accuse l’opposition de fraude. Le peuple réagit et entame une « une campagne de désobéissance civile nationale ». C’est le début de la fin pour les Marcos. [scald=29670823:sdl_editor_representation] Un petit groupe de rebelles pénètre dans le ministère de la Défense à Manille. Soutenu par Imelda, le président Marcos réunit sans attendre des troupes afin d’écraser les rebelles. Radio Veritas, une station de radio indépendante, appelle la communauté philippine à prêter main-forte aux rebelles et à se rassembler sur l’avenue de l’Épiphanie des Saints, à Manille. Durant les quatre jours qui suivent, le peuple continue à se rassembler. Des dizaines de milliers de personnes sont finalement présentes et font face. Les gens barrent la route aux chars et refusent de bouger. Les femmes serrent les soldats dans leurs bras, les jeunes filles leur offrent des fleurs, des cigarettes et des friandises. Lorsque le commandant donne l’ordre d’avancer, les prêtres et les sœurs s’agenouillent devant les chars et égrènent leur chapelet. Aucun coup de feu n’est tiré, la plupart des soldats se mettent à pleurer et déposent leurs armes. Imelda et Ferdinand Marcos regardent leur monde s’écrouler. Le 25 février 1986, après 14 années passées au pouvoir, Imelda et Ferdinand admettent à contrecœur leur défaite et, accompagnés de leurs enfants, fuient le pays en pleine nuit, évacués par un hélicoptère militaire américain. Un dressing… somptueux Un « inventaire » du palais présidentiel révéla ceci : la Première dame possédait 3.000 paires de chaussures, 508 robes de bal, 800 sacs, des centaines de paires de lunettes de soleil… La famille est contrainte de vivre à Hawaï, où Ferdinand meurt en exil. À la fin de leur règne, le pays avait une dette de 27,5 milliards de dollars, et un Philippin sur deux n’avait pas de travail. En 1992, toute honte bue, Imelda retourne à Manille et se présente à l’élection présidentielle. Elle n’est pas élue, mais réussit à attirer l’attention de tous. Elle se présente aussi en mai 2010 aux élections législatives philippines et est élue députée, un poste qu’elle va occuper jusqu’en 2019. Ironie de l’Histoire, son « musée de chaussures » est devenu une attraction touristique très en vue à Manille et, plus incroyable encore, en 2022, son fils Ferdinand « Bongbong » Marcos Junior vient d’être élu président des Philippines ! [scald=29670824:sdl_editor_representation] « Les femmes les plus sanguinaires de l’Histoire », par Alain Libert, éd. La Boîte à Pandore, 226 p., 18,90 euros.

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