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Le sexe des femmes et l’argent des hommes

Et si les rapports entre les hommes et les femmes étaient avant tout des échanges économico-sexuels ? Dans « Éros capital », le philosophe belge François De Smet nous rappelle que les sentiments ont aussi une dimension vénale.

Temps de lecture: 6 min

Elles offrent leur corps, leur sexe, leur fertilité et eux, les mâles, en échange, donnent leurs richesses, puissance et protection. Tels sont les ressorts, selon François De Smet, des rapports que nouent les femmes et les hommes depuis des millénaires ! Tout au long des 400 pages d’ « Éros Capital », le philosophe belge nous montre que les relations amoureuses et sexuelles entre les humains ne sont ni égalitaires, ni justes, ni réciproques. Elles sont asymétriques et reposent sur un affrontement, pas toujours conscientisé mais bien réel, et une exploitation mutuelle : hier les femelles comme les mâles, aujourd’hui les femmes comme les hommes, sont les jouets de leurs gènes qui cherchent à se reproduire avec des stratégies différentes, tout à la fois opposées et complémentaires. Pour assurer la perpétuation de leurs gènes, les hommes cherchent des femmes jeunes et en bonne santé – la beauté pouvant manifestant ces deux spécificités – tandis que les femmes optent pour des partenaires plus âgés, puissants et dotés de moyens financiers car portant les enfants et les élevant pendant les premières années, elles doivent opter pour des hommes qui peuvent les protéger et leur assurer de bons moyens de subsistance. Et si ces mâles sont dominants et puissants, c’est encore mieux car ils offriront de gènes agressifs aux enfants qui sont indispensables pour survivre dans le monde hostile.

Certes, le propos n’est pas neuf, s’appuyant essentiellement sur la psychologie évolutionniste qui voit l’homme conditionné par les comportements de ses lointains ancêtres hominidés et l’amour comme un moyen de nous inciter à transmettre nos gènes. Et il reste difficile à entendre tant notre époque voit l’histoire des relations entre les hommes et les femmes comme celle de la domination culturelle des premiers sur les secondes. Mais comme l’explique François De Smet, l’analyse actuelle est une construction idéologique soutenue par les principes d’égalité de droit entre les sexes. Bien évidemment le philosophe soutient ces principes mais il estime que les thèses actuelles sur les rapports amoureux, défendues dans certains milieux féministes, éludent souvent l’importance de l’évolution, le rôle des gènes et l’origine naturelle d’une large part des différences de comportements entre les sexes. De plus François De Smet ne se contente pas de répéter ce que l’« évo psy » affirme depuis quelques années. Il utilise ce courant psy pour revoir des problématiques actuelles telles que la prostitution, les sugar daddies, l’amour, les réseaux sociaux… De quoi rendre son essai aussi perturbant qu’intéressant !

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Astrid di Crollalanza-Flammarion

Votre propos est provocateur. C’était votre ambition en écrivant ce livre ?

« Absolument pas. J’avais envie d’apporter ce qui manque au discours actuel sur les relations entre les hommes et les femmes. Le discours classique privilégie l’approche culturelle et néglige la dimension naturelle et les acquis des sciences biologiques qui sont pourtant importants. J’ai voulu croiser les deux approches, dépasser l’opposition nature et culture et montrer que ces deux aspects sont profondément intriqués l’un dans l’autre. »

Vous reprenez les thèses de plusieurs auteurs qui affirment que les femmes n’ont pas été dominées par les hommes…

« J’évoque notamment la théorie de l’anthropologue Paola Tabet selon laquelle les femmes ont intériorisé la domination qu’elles subissaient et ont cherché à en tirer parti en valorisant ce qu’elles avaient – leur corps – pour obtenir les avantages matériels que se sont appropriés les hommes. Qu’il y ait exploitation millénaire des femmes par les hommes est indéniable. Mais si vous prenez un angle évolutionniste, il est autorisé de suggérer que les femmes ont aussi exercé une forme de domination, de manière plus feutrée. N’est-ce pas elles qui en dernière instance choisissent les hommes, ou se font choisir par eux ? Je me souviens, adolescent, combien j’étais frappé par le fait que s’il semblait normal que les garçons soient actifs et tentent leurs chances auprès des filles, au final ce sont souvent elles qui avaient le dernier mot sur le choix réel. »

Ne pensez-vous que ces relations économico- sexuelles entre les hommes et les femmes – je donne mon corps en échange de ta protection et de ton argent – ont tendance à disparaître aujourd’hui du fait de l’autonomie financière des femmes comme de la maîtrise de la fertilité.

« Dans notre société occidentale, il est évident que les relations sexuelles ont évolué mais dans l’histoire du monde, ce changement est très récent. Il est aussi très restreint à l’échelle de la planète. Même chez nous, ce modèle résiste à la modernité. Il en reste des traces solides dans nos comportements. On peut observer que les hommes sont toujours attirés par les milieux hiérarchisés où ils peuvent faire preuve de compétitivité, et ils sont toujours désireux d’accumuler des richesses. Pour être plus séduisants sur le marché de l’amour ! De même, les femmes investissent toujours beaucoup de temps pour prendre soin de leur apparence. Et même là où les rapports de force sont réellement inversés, par exemple dans les histoires sexuelles et/ou sentimentales nouées à l’étranger entre Occidentaux âgés et ressortissants de pays en développement, on se rend compte que les femmes quadra ou quinqua qui rencontrent des hommes jeunes ont bien plus de mal à en faire des histoires stables, parce qu’elles se contentent rarement d’un simple contact sexuel et veulent construire une histoire, une relation, des émotions. Elles attendent davantage. Pour vous montrer que le modèle économico-sexuel résiste encore dans notre société, j’évoquerai aussi le partage des dépenses dans les couples modernes, pourtant normé par des principes d’égalité. Quand monsieur gagne plus, souvent il paie alors plus de restos ou de voyages – et tout le monde trouve cela normal – mais quand c’est madame qui gagne plus, des stratégies implicites se développent pour que cela ne se ressente pas, et préserver ainsi l’ego masculin, souvent plus fragile. »

Donald Trump et Melania incarnent parfaitement cet échange économico-sexuel. Vous ouvrez d’ailleurs votre ouvrage en évoquant ce couple que vous opposez à celui d’Emmanuel Macron et Brigitte. Comment analysez-vous l’échange du couple français ?

« D’abord, il y a plus qu’un échange dans le cas de Donald Trump et Melania. Le président américain nous présente sa femme comme un véritable trophée. Il parade avec elle comme il le ferait avec une belle voiture. Le couple Macron, c’est autre chose. L’échange nous paraît énigmatique, rendant cette relation d’autant plus fascinante. Il va bien évidemment à l’encontre de la tradition et des attentes de la nature, à savoir la reproduction. C’est pour cela que la « une » de Charlie hebdo avait tant choqué qui montrait Emmanuel Macron posant la main sur le ventre arrondi de Brigitte avec une légende « il va faire des miracles ». Cette couverture pointait ce qu’inconsciemment nous attendons d’un couple : la reproduction. L’échange entre Macron et Brigitte n’est pas seulement celui du sexe ; il prend d’autres formes. Je pense qu’elle lui apporte beaucoup et notamment sa famille. Un couple, c’est aussi un échange de tendresse, d’écoute. Il faut accepter qu’il n’y ait pas d’égalité arithmétique, systématique dans l’échange intérieur à un couple : il doit simplement y avoir présence d’un équilibre global. »

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Éros capital est publié aux éditions Flammarion, 395 p., 21 euros.

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