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Avortement: gare aux idées reçues!

De nombreuses confusions entourent la proposition de loi dépénalisant l’IVG. L’équipe de la Fédération des centres pluralistes de planning familial explique la réalité de l’avortement en Belgique.

Journaliste Temps de lecture: 4 min

Aujourd’hui, la Chambre doit voter la proposition de loi qui dépénalise complètement l'avortement et fait passer le droit à l'IVG de 12 à 18 semaines de grossesse avec un délai de réflexion qui passe de six à deux jours.

Une modification qui soulève bien des questions et des discussions. Pour tenter d’y répondre, voici les réponses d’Emilie Saey, Lola Clavreul, Alice Macia, Isabelle Donner et Nastasja Izquierdo Prieto de la Fédération des centres pluralistes de planning familial

On entend souvent dire « 18 semaines, c’est quand même beaucoup, non ? »...

FCPPF : « C’est exact. C’est la phrase que nous entendons le plus souvent lorsqu’il est question d’aborder la nouvelle proposition de loi concernant l’interruption volontaire de grossesse (IVG) qui propose d’allonger le délai de 12 à 18 semaines de grossesse. Mais augmenter le délai légal à 18 semaines ne veut pas dire qu’il y aura davantage de demandes d’IVG. »

Ne pensez-vous pas qu’il y aura plus de demandes ?

FCPPF : « Une femme qui découvre qu’elle est enceinte et qui ne souhaite pas poursuivre sa grossesse n’attend pas pour procéder à une IVG, et certainement pas jusqu’à 16, 17 ou 18 semaines : elle le fait le plus rapidement possible. En Belgique, la majorité des femmes procèdent à l’IVG autour de 7 semaines de grossesse. Il arrive pourtant que des femmes, pour des raisons diverses, se rendent compte tardivement qu’elles sont enceintes, ou décident plus tardivement qu’elles ne souhaitent pas poursuivre cette grossesse. Les femmes qui interrompent leur grossesse au-delà de 12 semaines sont peu nombreuses. Pourtant, il est nécessaire de pouvoir leur apporter une prise en charge au sein de leur pays, au lieu de les renvoyer vers les Pays-Bas. Car c’est tout simplement ce qui se fait aujourd’hui : environ 500 femmes par an sont envoyées de l’autre côté de la frontière pour pouvoir avorter. le nombre d’IVG est stable depuis plusieurs années. Il ne bondira pas avec cette nouvelle loi : cette dernière permettra seulement de mieux accueillir et accompagner les 500 femmes qui tous les ans se voient contraintes d’aller avorter à l’étranger. Les acteurs et actrices de terrain font un travail formidable de prévention des grossesses non-désirées et d’accompagnement des demandes d’IVG. »

En allongeant ce délai, certains craignent que l’avortement ne devienne un moyen de contraception. Qu’en pensez-vous ?

FCPPF : « On pense souvent que les femmes qui demandent une IVG sont des jeunes « écervelées » qui n’ont « pas fait attention ». C’est faux. La majorité des femmes qui recourent à une IVG ont entre 25 et 35 ans et au moins la moitié d’entre elles utilisent un contraceptif. À titre d’exemple, en 2017, sur 17 257 IVG réalisées en Belgique au cours de l’année, un peu plus de 7000 IVG font suite à un échec de la contraception (préservatif et/ou pilule) selon le rapport de la Commission Nationale d’Évaluation. Les moyens de contraception existent mais, même bien utilisés, ils ne sont pas infaillibles ! Même si tout le monde utilisait parfaitement un moyen contraceptif, l’OMS estime qu’il y aurait environ 5.9 millions d’IVG dans le monde. Il n’existe aucun moyen de contraception à 100% efficace. Et parfois, le temps de se rendre compte qu’une grossesse est en route, le délai des 12 semaines est dépassé… et rendez-vous aux Pays-Bas ! »

De même réduire le délai de réflexion à 48 heures inquiète. Ce serait une manière pour certains de pousser les femmes à avorter sans réfléchir.

FCPPF : « Aujourd’hui, la loi impose à toutes les femmes, même à celles qui sont certaines de leur décision, un délai de réflexion obligatoire de six jours. Nous considérons que c’est une violence faite aux femmes que de leur imposer contre leur gré de vivre 6 jours de plus avec une grossesse non-désirée et tous les symptômes qui vont avec (nausées, fatigue, etc.). C’est une insulte faite à leur capacité à prendre une décision par elles-mêmes et pour elles-mêmes. Les 48h dont parle la proposition de loi sont un délai minimum de réflexion. Les femmes qui désirent prendre plus de temps pour réfléchir auront évidemment le droit de le faire. Dans les centres de planning familial, les professionnel·le·s sont là pour accompagner et soutenir les femmes dans cette prise de décision, pas pour les encourager dans un sens ou dans un autre. »

Vous voulez poser un regard autre sur l’IVG et les femmes qui y ont recours...

FCPPF : « Il est urgent qu’en Belgique on cesse d’aborder le droit à l’avortement comme une question seulement morale : c’est une question de santé publique. On parle ici du vécu de plusieurs milliers de de femmes par an. Ces dernières ont droit à être considérées comme des êtres douées de raison, capables de poser des choix, et ont droit également à être prises en charge correctement, dans leur pays. »

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