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Faut-il avoir peur du porno?

Le X est devenu un phénomène de société qui inquiète beaucoup de personnes. Quelles sont ses conséquences sur les relations amoureuses des adultes ? Focus sur quelques récentes études.

Journaliste Temps de lecture: 6 min

Il inquiète et angoisse tant il a envahi nos vies privées et même professionnelles puisque 25 % des Belges sont des adeptes réguliers des sites pornos et 22 % des travailleurs les consulteraient même au boulot. À lui seul, PornHub a enregistré en 2019, pas moins de 42 milliards de visites dans le monde (contre 33,5 en 2018), soit 115 millions par jour, ce qui fait de lui le 11 e site le plus fréquenté au monde…

Le porno est une industrie florissante et surtout le grand Satan de notre temps ! Il est accusé de tous les maux : il pervertit les jeunes, conditionne les excitations, participe à la diminution des relations sexuelles réelles, les rend plus difficiles, trop fades, fragilise les couples, pousse à l’infidélité, transforme les femmes en objets sexuels et les hommes en éjaculateurs précoces, conforte les clichés sexistes…

Le X est devenu un phénomène de société et un sujet d’angoisse ; une évolution qui n’a pas échappé aux psys, sexologues, sociologues et autres spécialistes de notre intimité. Ils sont très nombreux à s’intéresser à cette industrie. Pas un mois sans que sorte une étude sur le sujet. Et les pourfendeurs du X et défenseurs de la morale seront sans doute surpris d’apprendre qu’elles ne vont pas toutes dans le sens d’une dramatisation, surtout quand elles se centrent sur les populations adultes. Bien au contraire ! Voyez plutôt !

Des images irréalistes

En février de cette année, des chercheurs britanniques de différentes universités notaient dans la revue Sexual and Relationship Therapy qu’ils n’avaient pas trouvé de lien significatif entre le visionnage de films pornos (79 % de leurs 252 adultes hétéros interrogés en ont vu pendant les 3 derniers mois) et le bien-être mental, la satisfaction sexuelle, la satisfaction corporelle ou le sexisme. Une très grosse majorité des personnes interrogées – 80 % – savait que les images pornographiques étaient « irréalistes » ou « quelque peu irréalistes ». (1)

Même apaisement quand on regarde l’étude canadienne de Marie-Pier Vaillancourt-Morel, Natalie Rosen et Brian Willoughby. En juillet de cette année, dans la revue Journal of Social and personal Relationships, ils expliquaient que la pornographie n’était pas considérée par les 200 couples de leur étude comme déterminante pour leur satisfaction relationnelle. Mieux encore, chez les femmes, la pornographie avait une influence positive sur leur vie sexuelle car leurs désirs de faire l’amour avec leur partenaire étaient boostés. (2)

Des effets positifs sur les libidos féminines

Les effets positifs du porno sur les femmes sont confirmés par une autre étude américano-hongroise datant toujours de 2020. Elle a montré que les femmes interrogées – pas moins de 2433 – qui regardaient du X en se masturbant étaient plus vite excitées et jouissaient plus facilement et plus fort. Et les images X regardées pendant ces moments de plaisir solitaire bénéficiaient aussi à leur couple car plus elles regardaient du porno, moins elles avaient de difficultés à s’exciter et jouir… (3)

Mais on n’ira pas jusqu’à dire merci à PornHub ! On ne voudrait pas faire l’éloge du X et le présenter comme la solution pour réveiller les libidos féminines qui ont tendance à s’endormir quand les couples ronronnent. Ce même porno peut aussi fragiliser les femmes et leur donner des complexes physiques comme le montre l’enquête menée en février dernier par l’institut international d’études de marché YouGov. Elle interrogeait près de 1000 jeunes Français ayant entre 18 et 34 ans et mettait en avant qu’en voyant du porno, les femmes sont 44 % à éprouver des complexes physiques contre 28 % des hommes. Mais l’étude note aussi que 41 % des Français estiment que le porno n’a aucune conséquence sur leur vie sexuelle. 23 % considèrent même que les films X ont un impact positif et seulement 14 % des effets négatifs sur leur intimité. (4)

Des jeunes filles hyper féminines

À charge du porno, on note encore – toujours pour les jeunes -, que le porno a tendance à inciter les adolescentes à devenir des bimbos. En avril 2020, Psychology et Sexuality publiait les résultats d’une étude (5) menée pendant 2,5 ans auprès de quelque 500 adolescentes croates. Celles-ci étaient soumises régulièrement à des images pornos dont on sait combien elles considèrent les femmes comme de simples objets sexuels au service du plaisir masculin. L’étude a montré que progressivement ces jeunes filles – 16 ans au départ – se la jouaient de plus en plus sexys. Au fil des mois, elles adoptaient des styles de plus en plus féminins et même exagérément féminins, se conformant davantage aux stéréotypes de genre qui veulent (notamment) que la valeur d’une femme est liée à son apparence physique et son attrait sexuel. La sexualité devenait pour elles non pas un moyen d’éprouver du plaisir ou de s’épanouir mais d’attirer les hommes…

Mais l’influence du porno sur les jeunes est un tout autre sujet par rapport auquel il convient de se montrer des plus prudents. Pour poursuivre le tour d’horizon des études centrées sur les adultes, on épingle encore celle qui montre qu’il ne diminue pas l’envie des hommes célibataires de vivre une relation amoureuse, réelle, avec une femme normale, en chair et en os. (6)

Et puis on terminera par une étude des plus nuancées (7) car elle met en lien la consommation d’images pornos et les valeurs morales. Cette recherche menée auprès de 287 personnes âgées de 18 à 73 ans montre que regarder du porno angoisse, déprime et fragilise la relation de couple, pour peu que la personne estime que le X est contraire à ses valeurs morale. Ce sont les croyances préalables qu’on a vis-à-vis du porno qui le rendent pernicieux… Si donc vous exécrez de telles images, surtout ne les regardez pas !

(1)A lack of association between online pornography exposure, sexual functioning, and mental well-being. Étude de Ruth Charig, Nima G. Moghaddam, David L. Dawson, Hannah L. Merdian & Roshan das Nair. Publication dans Sexual and Relationship Therapy, février 2020 (2) Pornography use and romantic relationships : A dyadic daily diary study. Étude de Marie-Pier Vaillancourt-Morel, Natalie O. Rosen, Brian J. Willoughby… (3)Effects of Pornography Use and Demographic Parameters on Sexual Response during Masturbation and Partnered Sex in Women. Étude de Sean M. McNabney, Krisztina Hevesi and David L. Rowland. Publication dansInternational Journal of Environmental research and Public Health, avril 2020. (4) Étude Omnibus réalisée du 13 au 17 février 2020 auprès de 988 personnes représentatives des Millennials (18-34 ans) en France, selon la méthode des quotas. (5) Longitudinal Assessment of the Association Between the Use of Sexually Explicit Material, Hyperfemininity, and Sexual Agency in Adolescent Women. Étude de Verena Klein, Sandra Šević, Taylor Kohut, and Aleksandar Štulhofer. Publication dans Psychology et Sexuality en avril 2020 (6) Does Low‑Cost Sexual Gratification Make Men Less Eager to Marry ? Pornography Use, Masturbation, Hookup Sex, and Desire to Be Married Among Single Men. Étude de Samuel L. Perry. Parution dans Archives of Sexual behavior en août 2020. (7) The Exacerbating Impact of Moral Disapproval on the Relationship Between Pornography Use and Depression, Anxiety, and Relationship Satisfaction. Étude de Raquel Guidry, Christopher G. Floyd, Fred Volk, and Carolyn E. Moen. Publication dans Journal of Sex & Marital Therapy en août 2019.

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