Accueil Actu Télé

«Emily in Paris»: le mythe de «la vie en rose», plus fort que jamais

Il y a ceux qui ont adoré, ceux qui ont détesté et ceux qui ont adoré détester. La série à succès « Emily in Paris », sur Netflix, déchaîne les passions et perpétue un fantasme sur la Ville lumière qui a la vie dure, du béret au Français « bon vivant ».

Temps de lecture: 4 min

Après « Un Américain à Paris », « Funny Face », « Moulin Rouge » ou « Amélie Poulain », la vision romancée de Paris – aseptisée pour les plus critiques — s’étale pour la énième fois, avec Instagram en invité d’honneur, dans l’une des séries les plus regardées du moment. De quoi offusquer l’écrasante majorité de la critique française, agacée de voir les Parisiens représentés, pendant les dix épisodes, sous les traits de gardiennes méfiantes, boulangères et serveurs antipathiques, collègues hautains, paresseux et/ou dragueurs.

L’héroïne américaine, elle, ne semble connaître ni le métro ni la paperasse, et vit dans une chambre de bonne invraisemblablement spacieuse, au-dessus d’un voisin séduisant tout aussi invraisemblable. Une réalité édulcorée qui irrite Lindsey Tramuta, écrivaine américaine basée depuis 15 ans à Paris et autrice « The New Paris » (2017) et « The New Parisienne » (2020), où elle tente de montrer un Paris diversifié et de briser le mythe.

Filtre Instagram

« On est en 2020 et on continue de recycler les mêmes clichés : l’Américaine ingénue à Paris, les faux-pas, les faux amis… Il y a toute une réalité socio-économique qui est complètement ignorée. C’est une caricature », soupire l’écrivaine originaire de Philadelphie. Pour elle, « il ne s’agit pas d’une série inoffensive de clichés  ». « Lorsque Paris est peint sans cesse de cette manière, cela contribue à une compréhension problématique de la ville  », qui oblitère attentats, mouvement des Gilets jaunes et grèves historiques.

« C’est un exemple de plus sur la manière dont Paris est devenue une marque profitable (…) et cela montre la ville à travers un filtre Instagram », ajoute-t-elle, estimant que les producteurs ont la « responsabilité » de trouver des scénarios non stéréotypés. Raillée aussi pour son effet de loupe sur le clash culturel France-Amérique, « Emily in Paris », sortie le 2 octobre, trouve toutefois son succès dans cette même recette recyclée depuis près d’un siècle et totalement assumée par Netflix.

« Si Emily était venue dans ta ville et non pas ‘in Paris’, ce serait quoi les gros clichés de la série  ? », s’amuse la plateforme sur Twitter. Et de répondre illico presto : « Genre Emily in Marseille = il fait soleil tout le temps, ça sent la sardine sur le vieux port et (le chanteur : ndlr) Jul se balade dans la rue ». « Les clichés ont tous un élément de vérité, sinon ça ne serait pas des clichés. Et les clichés ont la vie dure  », note auprès de l’AFP Agnès Poirier, autrice de « Rive gauche », ouvrage consacré au milieu intellectuel de l’après-guerre. « Comparé aux villes américaines, oui, Paris a l’air romantique et les Français ont une attitude plus tolérante envers les relations extraconjugales ».

Stupide et drôle

Mais « Paris et les Parisiens continuent de fasciner pour ce qui est malheureusement aujourd’hui des raisons purement historiques  », dit-elle, en référence aux livres ou films qui ont façonné l’image d’une « capitale de l’amour  », de la sexualité débridée ou du savoir-vivre. Pour Inès de la Fressange, ex-mannequin, créatrice de mode et coautrice du bestseller « La Parisienne », il s’agit certes d’un Paris fantasmé, mais avec « un tout petit peu de vérité dans tout ça  ».

« On oublie souvent que les Américains regardent Paris comme une espèce de Disneyland. Emily prend un selfie avec le pain au chocolat. Mais nous aussi à New York, nous sommes épatés devant l’Empire State Building  », ajoute l’ancienne mannequin, symbole de l’élégance à la française. « En ce moment, Paris souffre de l’absence de touristes. Si les clichés sur la gastronomie, l’élégance et la beauté donnent envie de venir ici, ce n’est pas très grave  », relève-t-elle.

La série, créée par le même producteur que « Sex and The City », Darren Star, a d’ailleurs donné lieu à un déluge de tweets d’étrangers affirmant vouloir vivre à Paris après avoir vu la série. « C’est un rom-com (comédie romantique) stupide et drôle, où pas mal d’expatriés se retrouvent  », affirme Lane Nieset, journaliste freelance américaine spécialiste en voyages et gastronomie, qui vit à Paris depuis près de deux ans. En temps de pandémie, «  privés de voyage, les Américains veulent voir ça. Ça les fait rêver  ».

AFP

Notre sélection vidéo

Sur le même sujet

Aussi en Télé

Voir plus d'articles

À la Une