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Ce deuxième confinement est-il une épreuve pour les couples?

Quel est l’impact de ce nouveau confinement sur la vie conjugale et sexuelle des Français ? L’Ifop vient de mener l’enquête et livre des résultats plutôt étonnants.

Journaliste Temps de lecture: 9 min

Fin octobre, un peu avant la Belgique, la France entamait son deuxième confinement et dieu sait si nos voisins semblaient alors tendus. Le climat était celui d’« une usure psychologique générale » comme d’aucuns l’ont affirmé. On pouvait dès lors supposer et craindre que la vie des couples allait virer au drame et connaître les mêmes violences conjugales que celles survenues lors du premier confinement. Le pôle « Genre, sexualités et santé sexuelle » de l’Ifop a voulu savoir ce qui se passait dans les habitations privées et chambres à coucher et a mené une enquête fin novembre auprès de 2017 personnes pour le site de rencontre extraconjugale Gleeden (1).

Un second confinement mieux vécu par les couples qu’au printemps…

Étonnamment, l’enquête qui sort ce 9 décembre établit que pour plus des trois quarts des Français (78 %) confinés avec le même conjoint qu’au printemps, les choses se sont « mieux passées » pour leur relation de couple, sachant que les femmes, sur qui reposaient une grande part des charges mentales, domestiques et parentales lors du premier confinement, sont nettement plus nombreuses (22 %) que les hommes (14 %) à l’avoir « beaucoup mieux » vécu.

Sans doute peut-on expliquer ces ressentis et moindres tensions par le desserrement des règles de confinement. Les enfants sont retournés à l’école, les possibilités de déplacement furent plus souples, tout comme l’application du télétravail.

Des disputes moins fréquentes pour les tâches ménagères

Les tensions conjugales liées notamment à la gestion du foyer semblent avoir été moins fréquentes qu’au printemps : seul un Français sur deux (48 %) rapporte des disputes conjugales à propos des tâches ménagères, soit une proportion en net retrait par rapport à ce que l’on mesurait en avril après une quarantaine de jours de confinement (64 %).

Si elles sont moins fréquentes, les tensions sont néanmoins bien réelles et difficiles à vivre pour les jeunes femmes. Celles-ci rapportent plus disputes à ce sujet (84 % des femmes de moins de 25 ans) que leurs aînées (27 % des femmes de 70 ans et plus), signe que la contestation de ce qui est le fruit d’un « privilège de genre » est désormais particulièrement forte dans les jeunes générations.

De même, pour les parents, la gestion souvent problématique des enfants durant le premier confinement semble avoir été une source de conflit conjugal moins fréquente qu’à l’époque du premier confinement (17 mars – 11 mai) durant laquelle ils devaient s’occuper de leur progéniture toute la journée : 75 % des parents déclarent s’être disputés à ce sujet en novembre, soit une proportion en baisse très significative (-18 points) par rapport au premier confinement.

«  Alors que le premier confinement s’était traduit par une exacerbation des frictions et des violences conjugales, l’assouplissement des règles de confinement – en particulier la réouverture des écoles et le travail plus fréquent présentiel – a réduit les tensions au sein des couples en contribuant à alléger non seulement le degré de promiscuité au sein des foyers mais aussi la charge de travail domestique et parentale (ex : aide aux devoirs, loisirs…) qui reposait beaucoup sur les épaules des femmes. Sur ce plan, la diminution des tensions conjugales liées à la garde ou à l’accompagnement scolaire des enfants est très symptomatique des effets qu’une décision politique – la réouverture des écoles – peut avoir sur le bien-être psychologique en général et sur la qualité des relations de couple en particulier, » commente François Kraus de l’Ifop.

Une sexualité plus normale

Dans ce contexte de diminution de tensions intraconjugales – pour les couples cohabitants – et d’allégement des règles de déplacements – pour les personnes ayant des partenaires en dehors de leur foyer –, on observe une amélioration de l’activité érotique et de l’épanouissement sexuel des Français qui se retrouvent à des niveaux très proches de ceux observés avant la crise sanitaire.

La proportion de Français ayant eu un rapport sexuel le mois dernier (70 % en novembre) a ainsi enregistré un net rebond par rapport au printemps (+ 14 points par rapport au mois d’avril) au point de retrouver un niveau très similaire à celui observé avant le premier confinement (74 %). Et ce regain d’activité sexuelle, s’il affecte aussi les personnes en couple confinées sous le même toit (+4 points par rapport à avril, à 83 %), est surtout le produit d’un très net accroissement des relations intimes des célibataires (+ 26 points par rapport à avril, à 61 %) et des personnes en couple mais ne vivant pas sous le même toit que leur conjoint (+ 35 points par rapport à avril, à 77 %).

Il faut dire que les règles de déplacement beaucoup plus souples qu’au printemps ont permis à nombre de Français confinés en solo d’avoir des relations avec des partenaires vivant en dehors de leur foyer : 59 % des Français confinés seuls mais disposant d’un conjoint ou d’un partenaire sexuel occasionnel admettent avoir retrouvé leur partenaire chez eux ou à leur domicile, soit une proportion quasiment deux fois plus forte qu’au premier confinement si l’on s’en tient aux données disponibles pour les personnes en couple non-cohabitants (45 % en novembre, contre 20 % en avril).

Faire l’amour et se masturber pendant les heures de télétravail

Les conditions de ce nouveau confinement ont également engendré des comportements sexuels autres. L’enquête Ifop/Gleeden a montré que 34 % en moyenne des télétravailleurs ont eu une relation sexuelle à leur domicile aux heures de travail avec un conjoint également en télétravail. La pratique de ces « 5 à 7 » d’un nouveau genre semble particulièrement répandue chez les jeunes de moins de 25 ans (51 %) – habituellement plus actifs sexuellement que la moyenne – mais aussi dans les rangs des chefs d’entreprise (35 %) qui sont beaucoup plus libres généralement dans la gestion de leur emploi du temps. Sans doute l’absence des enfants en journée a pu donner à certains une intimité qui leur était difficile à trouver lors du premier confinement.

La pression exacerbée par le sentiment d’isolement social et le moindre contrôle du management sur l’emploi du temps des salariés transparaît dans la pratique d’autres activités pour le moins inhabituelles en présentiel telles que la réalisation de siestes – 21 % des télétravailleurs en ont fait au moins une au cours du second confinement – ou de séances de masturbation aux heures de travail : 17 % dont 40 % chez les jeunes de moins de 30 ans.

« Si le premier confinement s’était accompagné d’une chute de l’activité et du bien-être sexuel des Français, les conditions de huis clos plus souples imposées depuis le 30 octobre n’ont pas eu le même effet négatif, notamment pour les Français confinés seuls mais ayant un partenaire occasionnel. Mais au-delà de sa dimension physiologique, ce regain d’activité sexuelle dans un contexte d’usure psychologique généralisée peut être aussi être interprété comme le besoin de combler un manque affectif exacerbé par la raréfication des relations sociales. Les données sur les télétarvailleurs montrent en effet qu’en période de sinistrose, le sexe – seul ou à deux – peut constituer un comportement de compensation permettant de décompresser face aux situations d’anxiété, » commente François Kraus de l’Ifop

Un regain d’activité sexuelle ou une demande de réconfort affectif

Mais cette reprise de l’activité sexuelle des Français interpelle. Comment la comprendre dans un contexte automnal déjà propice aux dépressions saisonnières et un environnement de stress dû à la pandémie ? On sait que le reconfinement a eu des effets nocifs sur la santé psychologique des Français et leur bien-être sexuel. L’étude CoviPrev a montré un doublement des états dépressifs entre fin septembre (11 %) et début novembre (21 %) et la présente enquête met en lumière une dégradation du moral des Français : 57 % des Français déclarent avoir ressenti une baisse de moral durant le second confinement. Les plus affectés sont les personnes les plus isolées tels que les célibataires (62 %) et les télétravailleurs à temps complet (63 %, contre 53 % chez actifs en présentiel à 100 %).

Or, les effets psychologiques du reconfinement (dépression, baisse du moral, peur de perdre des proches ou de perdre son emploi…) semblent avoir suscité chez les Français une demande générale de réconfort plus d’ordre affectif que sexuel. En effet, la proportion de Français admettant avoir ressenti un « manque de tendresse / câlins » en novembre est largement supérieure (47 %) que ceux qui ont éprouvé un « manque de sexe » (33 %), en particulier chez ceux souffrant d’un fort isolement comme les célibataires – 64 % sont en manque de tendresse contre 43 % en manque de sexe – et les personnes télétravaillant à cent pour cent.

De même, pour les personnes en couple, le stress général et les conditions du confinement – telles que l’absence d’intimité, la forte promiscuité ou encore la présence constante du partenaire – peuvent avoir aussi eu un impact négatif sur la libido : un tiers de Français (32 %) reconnaît avoir eu une baisse générale de leurs besoins sexuels durant le second confinement, sachant que là aussi, les actifs télétravaillant tout le temps semblent y avoir été les plus exposés : 43 % d’entre eux ont ressenti une baisse de libido, contre seulement 31 % des actifs 100 % en présentiel.

Séparations et désirs de rupture

Mais au-delà de l’activité sexuelle au sens strict, on observe que le confinement a pu aussi altérer nombre de relations de couple… La pandémie a fragilisé les Français qui étaient en couple lors du premier confinement (69 % l’étaient au printemps) car 5 % de ceux-ci ne le sont plus lors du nouveau huis clos imposé à l’automne : 3 % sont seuls et 2 % en couple avec une autre personne.

Ensuite en termes de fragilité conjugale pour ceux qui ont été en couple durant les deux confinements, soit 64 % de l’ensemble de la population. En effet, nombre d’entre eux (15 %) reconnaissent que ces huis clos ont été de véritables épreuves pour leur couple au point d’envisager de rompre avec leur conjoint, sachant que les plus ébranlés sont les jeunes (à 32 %), qui, pour beaucoup, ont vécu leur première expérience de vie conjugale constante et intense.

« La reprise actuelle de l’activité sexuelle ne doit pas occulter l’impact négatif que les confinements ont pu avoir sur la vie de couple de Français, en particulier des plus jeunes qui sont nombreux à avoir pu voir leur relation conjugale ébranlée à divers degrés. De manière générale, la promiscuité reste plutôt une source de tensions conjugales et la disponibilité immédiate et constante du partenaire n’est pas forcément de nature à booster la libido (ex : télétravailleurs). Dans un contexte de baisse générale du moral et des interactions sociales, le sexe semble aussi jouer un rôle de réconfort, notamment pour les Français pour qui le cocon conjugal reste une forme de refuge, une valeur sûre pour traverser la crise » conclut François Kraus de l’Ifop.

(1) Étude Ifop pour Gleeden réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 24 au 30 novembre 2020 auprès d’un échantillon de 2 017 personnes, représentatif de la population âgée de 18 ans et plus résidant en France métropolitaine. »

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