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Pourquoi pouvons-nous faire l’amour tous les jours?

Contrairement à la plupart des espèces, notre activité sexuelle n’est-elle pas limitée aux moments où la femme est fertile. Pourquoi?

Journaliste Temps de lecture: 5 min

Une vulve gonflée et rouge écarlate, une odeur forte et particulière : quand la femelle babouin ovule, elle le manifeste ostensiblement aux mâles. Et elle n’est pas la seule mammifère à manifester sa fertilité et disponibilité sexuelle. Même tumescence de la vulve chez les chimpanzés, macaques, bonobos…

Mais point de manifestations semblables chez les humains. Pas même un ressenti intime. Les femmes ne savent pas quand elles sont fertiles, à moins d’avoir un thermomètre à disposition ou mieux encore un test hormonal. Tout au plus, durant la période d’ovulation, certaines sont-elles plus enclines à faire l’amour. D’autres encore souffrent à ce moment-là de douleurs à la tête ou au ventre. Mais pour le reste, la plupart des femmes ignorent quand elles ovulent. Pareil pour leurs compagnons, ils sont incapables de dire quand leur partenaire est fertile.

Méconnaissance et disponibilité permanente

La conséquence directe de cette méconnaissance est plutôt agréable : nos amours ne sont guère saisonnières et nous vivons les plaisirs sensuels et sexuels toute l’année et pas seulement pendant la période de reproduction. Nous pouvons avoir un rapport tous les jours de l’année, quel que soit le moment du cycle menstruel. Mais il est vrai que si les femelles babouins ne copulent que pendant la période de reproduction, elles s’y adonnent alors à cœur joie puisqu’elles peuvent s’accoupler jusqu’à 100 fois !

Mais pourquoi diable nous les humains, ne manifestons-nous pas la période durant laquelle la femme est fécondable ? Pourquoi l’œstrus des humains est-il caché ; l’œstrus étant le terme qui désigné cette période durant laquelle une femelle mammifère est fécondable et recherche l’accouplement en vue de la reproduction ? Certes on ne s’inquiétera pas trop de ce changement. Comme l’ont souligné maints scientifiques, cette méconnaissance a changé complètement notre rapport à la sexualité, transformant la fonction reproduction en un moment de complicité humaine et de plaisirs. Mais pourquoi même la femelle humaine ignore-t-elle quand elle est fertile ?

Dissimuler pour attacher le mâle

Dans un essai passionnant « Pourquoi l’amour est un plaisir » (édition Folio essai), Jared Diamond consacre un chapitre entier à la question. L’éminent scientifique qui est géographe, biologiste évolutionniste, physiologiste, historien et géonomiste américain, se demande quel avantage évolutif offre cet œstrus caché. Il aborde les différentes théories explicatives, analyse les hypothèses et développe les études comparatives menées sur le sujet pour retenir finalement une seule thèse : celle du papa à la maison ! Imaginée par les biologistes Richard Alexander et Katharine Noonan de l’Université du Michigan, elle avance que la dissimulation de l’ovulation inciterait l’homme à rester à la maison.

Ignorant quand sa compagne est fertile, l’homme resterait auprès d’elle pour lui faire le plus souvent l’amour et avoir le plus de chance de la féconder et de lui transmettre ses gènes. Attaché à sa femme et restant à ses côtés, il ne raterait pas son ovulation. Et pourquoi prendre le risque d’aller auprès d’une voisine car il ignore si celle-ci est fécondable ou non. Ainsi en dissimulant son ovulation, la femelle humaine incite le mâle à rester auprès d’elle. Elle gagne par là même un parent qui veille aux petits. Et le mâle s’y retrouve également car en restant auprès de sa partenaire, il s’assure que sa progéniture est bien la sienne et il l’aide à bien évoluer. «  Ainsi d’après Alexander et Noonan, la dissimulation de l’ovulation et la réceptivité permanente des femmes se sont imposées dans le but d’assurer la monogamie, les soins paternels et la confiance des pères en leur paternité. », écrit l’auteur de Pourquoi l’amour est un plaisir ?

Dissimuler pour assurer la survie des petits

Imaginer la situation inverse, soit des couples où la femme afficherait ouvertement les moments où elle est fertile, a de quoi nous convaincre de la pertinence de cette théorie. Jared Diamond nous propose d’ailleurs de mettre en scène des couples où la femme montrait sa fertilité en affichant une vulve gonflée et rouge écarlate. L’homme identifierait immédiatement la période de fécondité de sa partenaire, resterait chez lui ces jours-là pour faire l’amour et transmettre ses gènes. Quand le derrière féminin aurait à nouveau repris sa couleur normale, il pourrait laisser sa compagne à la maison sans s’inquiéter de son comportement sexuel ; celui-ci étant conditionné par les périodes de chaleur. Il irait ensuite chercher d’autres femmes en rut. « Pour les humains, les conséquences de ces mariages à ovulation affichée seraient catastrophiques. Le père serait rarement là, la mère ne réussirait pas à élever seule ses enfants et de très nombreux bébés mourraient. Ce serait mauvais pour la mère mais aussi pour le père car aucun des deux ne réussirait à propager ses gènes. » écrit Jared Diamond.

Une lente évolution

Et le scientifique de nous expliquer encore que cet œstrus dissimulé ne s’est pas imposé un beau matin quand des femelles se sont réveillées avec l’idée de cacher leur fertilité et s’attacher les mâles pour mieux s’occuper des petits. Elle s’est progressivement produite au cours de l’évolution et pour des motifs différents.

La dissimulation de l’ovulation est d’abord apparue chez nos ancêtres qui pratiquaient encore la polygynie ou la promiscuité sexuelle (chacun peut avoir des rapports sexuels occasionnels avec plusieurs partenaires). Elle serait d’abord apparue pour éviter que les mâles ne tuent les petits. Il faut savoir que chez de nombreuses espèces animales, que ce soient les chimpanzés, les gorilles mais aussi les lions, les mâles adultes tuent les petits d’une femelle avec lesquels ils n’ont jamais copulé. Mais si les femelles ont des ovulations cachées et sont réceptives en permanence, elles peuvent copuler avec de nombreux mâles et faire croire à chacun qu’il pourrait avoir transmis ses gènes aux petits. Les femelles s’assurent ainsi de la « neutralité bienveillante de presque tous les assassins en puissance ». En dissimulant leurs ovulations, les guenons/ femmes ancestrales peuvent accorder leurs faveurs à beaucoup de mâles et protéger leur progéniture des velléités meurtrières. Dans un deuxième temps seulement l’ovulation cachée a permis aux femelles de s’attacher un homme et de l’inciter à rester auprès pour qu’il protège et élève les petits…

Vive l’évolution et la dissimulation de l’oestrus !

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