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Il y a 200 ans, s’élançait le tout premier vélo

Le 12 juin 1817, le baron Karl Drais parcourt 14,4 km en une heure sur sa drôle de machine à courir. La draisienne sera brevetée à Paris sous le nom de vélocipède. Aujourd’hui, le vélo est électrique, ultraléger et design.

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Le baron Karl Drais de Karlsruhe n’avait que 32 ans quand il mit au point un engin en bois à deux roues. Sa laufmaschine est dotée d’un guidon qui pivote dans le cadre et permet à la roue avant de tourner. Il pousse avec les pieds. Une folle aventure vient de voir le jour qui transformera le bipède que nous sommes tous en cycliste ravi. Le Belge Gérard De Smaele, grand amoureux de la bécane (il en possède sept !) et auteur du volumineux et savant ouvrage Le cyclisme dans les livres et les revues (éd. L’Harmattan) connaît tous les détails de cette longue évolution qu’il retracera dans son prochain livre.

« Avec le vélo, l’homme devint son propre moteur, narre cet amateur éclairé. Son génie fut de mettre une roue dans le prolongement de l’autre et de munir l’engin d’un guidon. Karl Drais, qui était sans doute ingénieur, fit protéger son invention qui allait connaître une histoire exceptionnelle. » Les gravures d’époque, mais aussi les dessins techniques, nous montrent un vélo haut perché. Il gardera cette forme longtemps, jusqu’aux environs de 1900 où, doucement, il s’orientera vers son look actuel. Objet de luxe autant que de curiosité, il est au départ réservé à une petite élite car il coûte cher. Une élite qui aime les expériences un peu enlevées. L’invention de M. Drais a une selle, un guidon rembourré que l’on pilote avec les coudes. Elle est munie d’un porte-paquets. Elle sera largement copiée, pillée et améliorée. « Au départ, elle n’est pas prise au sérieux, rajoute M. De Smaele. Elle est présentée à Paris en 1818 mais elle n’est pas encore perçue comme un véritable moyen de transport, plutôt comme un amusement. Elle pèse tout de même entre 30 et 40 kilos. Tout est à faire : la stabilité en premier. »

Le vélo est en constante évolution, porté par les rêves de mobilité des hommes

Rien n’arrêtera pourtant la course du vélo. Celui-ci passionne les ingénieurs de France, d’Angleterre et d’Allemagne. Des milliers de brevets concernant des tas de perfectionnements sont déposés. Il faut attendre près de 50 ans pour voir des progrès significatifs. L’histoire du vélo regorge de trouvailles parfois fantaisistes. En 1821, Lewis Gompertz fabrique un modèle avec une traction des bras, comme un rameur. En 1861, le Français Michaux le dote de pédales directement sur la roue avant. La bicyclette munie d’une chaîne apparaît en 1885 un an avant le tricycle Teo de Carl Benz. Le vélo reste instable. Ses roues en bois cerclées de fer le rendent dangereux. « Mais le plus problématique, indique notre spécialiste, reste qu’on est très secoué. Tout le monde cherche comment amortir les chocs de la route, de toutes les façons. »

Il faut moderniser le vélo, l’alléger, augmenter un peu sa vitesse car on n’avance pas. Ce qui nous vaut ces croquis désuets de vélos avec une grande roue avant et un utilisateur placé haut, qui voit la route mais qui ne doit pas tomber. « Ce grand bi sera une voie de garage. On en est au vélo de transition avec une meilleure suspension. » Clément Ader apporte sa contribution avec des jantes en fer et du caoutchouc plein. Tous les inventeurs se creusent les méninges, multiplient les essais, les modèles, plusieurs tailles, des marchepieds, des sièges un peu plus en arrière, une fourche penchée. On teste, on cherche. Et on recommence et on peaufine. En Angleterre, Coventry concentre toutes les recherches, dont celle de John Kempf Starley qui crée le Starley Rover. On découvre le cadre rigide, les pneus Dunlop, le pignon fixe. On expérimente les freins, très rudimentaires. En 1884 sort le Kangaroo (visible au Musée du Cinquantenaire). En 1887, le Whispet Safety à ressorts (pour absorber les cahots), « le premier VTT », sourit notre grand témoin, ajoute un chapitre. Puis le Quadrant à fourche antivibratoire. En 1890 apparaît la chambre à air. En 1891, un certain Terront remporte la course Paris-Brest-Paris avec l’aide de ses pneus Michelin démontables. Le progrès est en marche et facilite la percée du vélo. La même année sort le premier tandem. Le vélo devient synonyme de plaisir. Aux environs de 1900, on peut dire qu’il s’assimile à un moyen de locomotion accessible à tous. En 1903, on donne le départ du premier Tour de France.

Amélioré par la recherche, le vélo marie toujours simplicité et sophistication

Le vélo ne fut pas toujours mû par une chaîne. On expérimenta des leviers, des courroies. Le modèle La Valère recourt même aux mains et aux pieds pour le faire avancer. Son inventeur tira cette idée de sa pratique de l’aviron où bras et jambes travaillent et la transposa habilement dans un exemplaire un peu compliqué à manier. Le vélo était déjà équipé, d’une lanterne. La chaîne concentra tous les efforts et moult attentions. On progressa en l’associant au changement de vitesse. « Mais rien ne remplace le juste coup de pédales, prévient Gérard De Smaele comme s’il donnait un petit coup de sonnette. Car il y a une façon, efficace ou pas, de bien rouler à vélo ». Il devient plus facile à réparer, par soi-même, avec un modeste outillage.

Le vélo, cette fois, s’est bel et bien démocratisé. Mais il connaîtra un certain déclin après la guerre, avec la montée de l’automobile pour tous. Pourtant, il fait partie de nous et on le redécouvre aujourd’hui pour une quantité de raisons vertueuses. Léger, performant, il continue d’évoluer. Mais on se demande toujours pourquoi il n’est pas équipé d’un feu stop et de clignotants assez simples à ajouter. « Je suis allé récemment à un salon du vélo à Gand, raconte G. De Smaele, pour voir les modèles du futur. On y présentait des vélos avec un cadre en bambou mais ça a toujours existé ! J’ai pu voir des avancées notables : guidon rétractable, vélo totalement pliable, plus de rayons mais des poulies, avec espace de chargement. » Deux cents ans après, le vélo électrique a la cote. Il prend une allure sportive et affiche un profil design. Il a énormément changé depuis les quelques premiers mètres parcourus par Karl Drais. Le vélo a 200 ans mais son avenir est entre nos mains : « Le vélo du futur dépend de la mentalité des gens, conclut notre amoureux de la Petite Reine. Au sein de villes réellement cyclables prévues et aménagées en conséquence ».

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